identity card

ϟ GAINSBOURG LESTHER LAMBERTS ϟ GAINS
ϟ VINGT-ET-UN ANS ϟ ANGLETERRE, VINGT-DEUX FÉVRIER 90.
ϟ PREMIERE ANNÉE, ici. / 2B. ϟ SO NEUTRALS.

DOUX ϟ IMPULSIF ϟ ATTACHANT ϟ SUSCEPTIBLE
SYMPATHIQUE ϟ JALOUX ϟ ROMANTIQUE ϟ MÉFIANT
SINCERE ϟ FRANC ϟ SOURIANT ϟ INFIRME

your freakin life.

« Je suis désolé. Tous les services hospitaliers le sont, aussi. » Posant ses mains sur son visage, ma mère essaya de ne pas pleurer. Je le savais, je le sentais. « Que doit-on faire, à présent ? » Je ne voyais rien mais, malheureusement, j’entendais toute la conversation. « Nous ne pouvons rien faire pour ses yeux, il devra s’y habituer. » « S’y habituer ? Il n’y a donc plus aucun autre moyen ? Comment va-t-il faire ? Il n’a que quinze ans ! » Cette voix grave ; Mon père. « Nous le savons, monsieur Lamberts. Nous avons tout fait pour éviter l’handicap. Il n’y avait que très peu de chances pour réussir l’opération. » Mes yeux cherchèrent mes parents ou encore, le médecin. En vain, tout était noir. Cette noirceur autre que la nuit tombée. « Soit. Comment se passera les premières semaines ? Les premiers mois ? » « Personne ne sait. Il est évident que les premiers mois vont être très difficiles. Je vous souhaite bien du courage, à vous comme à votre fils, sachant qu’il a perdu la vue subitement. » Aveugle. Moi, Gainsbourg Lesther Lamberts, j’étais aveugle.

Ce sont sûrement les dernières explications de ce spécialiste médical, détesté par mon père, qui résume ma vie. Cette vie gâchée par une maladie soudaine. Je n’ai jamais voulu avoir des informations supplémentaires. Depuis que j’ai été opéré et qu’on m’a diagnostiqué comme aveugle, j’ai toujours évité les conversations incessantes à ce sujet. Je n’ai jamais voulu cela, et je n’ai compris pourquoi le sort s’est acharné sur ma petite personne. Qu’ai-je fait pour mériter cela ? Mais hélas, personne ne pourra répondre. Personne.

Comme l’a dit le spécialiste, j’ai très mal vécu les premiers mois. Il n’a pas menti, et effectivement, cela était une évidence. C’était très difficile. Je me souviens qu’à l’époque, j’avais une petite amie ; J’étais heureux mais elle m’a quitté. Elle refusait d’être dans les bras d’un non-voyant. De plus, je ne supportais plus ce voile sombre qui cachait mes prunelles, m’empêchant alors de m’émerveiller devant ce monde si fascinant. C’était terminé. Dieu m’avait réservé ce délice juste pour une quinzaine d’années. Mais pourquoi ? Je ne comprendrai jamais, tout comme mon père. Le fait que je perde la vue l’a anéanti, plus que je ne l’aurai imaginé. La famille Lamberts était très reconnue en Angleterre. Famille aristocrate, cet homme a tout fait pour le bien de celle-ci. J’ai vécu une enfance mémorable, ni trop dure ni trop simple. Fils unique, j’en garde de très bons souvenirs. Malheureusement, depuis mon opération, ils restent de plus en plus vagues .. Je ne peux en dire plus.

J’ai grandi avec cet handicap, m’habituant finalement. Comme dit précédemment, cela n’a pas été facile mais sous l’aide de mes parents, j’ai appris les conséquences de ce drame et ainsi, vivre avec. Ce que je trouve le plus insoutenable est sûrement … La pitié des gens à mon égard ; Je le sais, à chaque fois. Ils doivent me regarder avec dégoût, me prendre comme un vulgaire pantin lorsque je bouscule une personne, lorsque je demande de l’aide pour presque rien. Cela, les raisons de mes colères imprévues. Je n’ai jamais voulu être, ainsi. Et à l’heure d’aujourd’hui, je n'en comprends pas plus. Je n’accepte pas mon infirmité alors que j’étais destiné à une grande carrière - d’après mon père -. Que dire de plus ? C’est la vie, comme diraient certains. À présent, j’ai la peur de tout oublier ; Oublier les moindres parcelles de couleur, les moindres visages de mes proches. Tout. Et donc, de rester à jamais dans cette obscurité.

« Une vie, si belle, se doit d’être merveilleuse pour chacun de tous. » Ces quelques mots, répétés au creux de mon oreille. J’aurai tant aimé répondre le contraire, que pour moi, cela serait impossible. En vain, cette personne aux doux conseils, aux douces paroles, devait avoir raison. Et je me devais de l’écouter, d'y croire.